Aujourd'hui c'est samedi, mais debout à six heures quand même : nous allons à 金石滩 (/Jīnshí tān/ la plage des galets/pierres doré(e)s). On ne sait pas vraiment ce que ça va être, on nous avait parlé de dinosaures. On est quinze dans le minibus, dont cinq français. Il y a aussi cinq japonais, le couple espagnole/italien, Xiao, la guide, et le chauffeur. La guide commence sa présentation en nous parlant en chinois, et je suis super contente de réaliser que je comprends sans trop de difficulté. On se rend compte qu'avec les cours et le fait d'être plongé dans un bain linguistique, même si parler reste très difficile, comprendre est déjà beaucoup plus facile qu'à notre arrivée. Malgré tout, beaucoup de choses me paraissent difficiles. Beaucoup plus difficiles que je ne l'aurais cru en partant. Prendre le taxi, le bus, lire ces fameuses cartes dans les abris, savoir ce qu'on mange... En parlant de cartes, j'en cherche une depuis que j'ai vu que nous ne pouvions pas utiliser GoogleMaps. Pourtant, je n'en ai toujours pas trouvé, et je ne sais même pas où chercher... Il n'y a pas d'office du tourisme de ce que j'ai pu en voir. Je cherchais aussi un bol et une paire de baguettes un peu sympa, mais même ça, je n'en ai pas trouvé non plus ! Je me demande si un chinois qui vient en France est aussi perdu que nous ici.
Sur la route, nous avons croisé une charrette tirée par deux bœufs qui descendait le long de la voie d'élancement d'un échangeur autoroutier, des gens qui frappaient les branches élevées d'arbres avec un bâton (je me demande toujours quels fruits pouvaient bien pousser là), un vieil âne, et un vieux chargé de je ne sais combien de kilos de cartons. Ici aussi, il m'est arrivé de voir plusieurs fois des personnes, des femmes je crois, couvertes de la tête aux pieds malgré la chaleur, sans un seul centimètre carré de peau visible : gants montant très hauts sur les bras, chapeau avec une visière très longue, lunettes de soleil, écharpe remontée sur la nez, etc. La plupart du temps, elles travaillaient à ramasser les déchets le long des rues. Nous croiserons également des dizaines de grues et d'immeubles en construction. Là encore, il est très difficile de savoir où commence et où s'arrête la ville. Après deux heures de bus, nous arrivons dans ce qui nous a paru être un nouveau centre-ville. Nous demandons à Xiao où nous sommes à présent, et elle nous répondra, l'air surprise par notre question : «Bah, on est encore à Dalian là.» Ah. D'accord.
Je me demande aussi pourquoi les gens klaxonnent ici. Je veux dire, quelle est la raison qui les pousse à klaxonner autant ? Est-ce pour prévenir d'un danger, pour s'imposer et passer en doublant, pour demander aux autres de s'écarter, ... ? Peut-être un peu tout cela à la fois... En tout cas, aujourd'hui, en Chine, je crois bien que les dragons se sont transformés en bus. On en croise beaucoup dont la marque est : King Dragon (大金龙), ou encore Golden Dragon.
A gauche : constructions que l'on croise quotidiennement ; A droite : navire en plein milieu de la route annonçant l'aire de repos
Soudain, sur ma gauche, au beau milieu de la route, un énorme navire apparait. Sur sa coque est écrit 金石滩 (Jīnshítān) en caractère traditionnel. C'est une aire de repos, et sur une carte présente ici (aux noms évocateurs), je réalise que l'on se rend dans une sorte de parc pour touristes. Je suis un peu déçue sur le coup, mais je me dis aussi que j'aurais dû m'y attendre.
On roule encore cinq ou dix minutes, et nous arrivons au musée de Mao Zedong. Typique. Dedans, c'est juste hallucinant. Il n'y a je ne sais combien de bustes et de portraits de Mao, tous plus ou moins semblables.
On y trouve aussi des objets comme "le manteau de pluie de Mao", "l'encrier dont il s'est servi pour écrire", "le livre qu'il a lu en telle année", etc. J'imagine que ce fameux manteau de pluie doit exister en multiples exemplaires répartis dans les différents musées...
A l'étage, nous trouvons même des dessins couvrants des pans de murs entiers réalisés avec les petits médailles à son effigie.
Nous passons enfin devant les boutiques de souvenirs, et là, ça vend du rêve : les petits livres rouges, les posters, les éventails de Mao et ses généraux, les calculatrices Mao... Après les trente minutes de visite du musée, retour au bus. On ne change pas une formule qui marche.
Après encore quelques minutes de route, on s'arrête à nouveau : spectacle de kung fu. Sur le coup je me dis que ça peut être sympa, avant de me rappeler que nous sommes dans un parc à touriste, et que ce "spectacle" doit être joué des dizaines de fois par jour. A l'entrée, derrière un portique dans le style de l'ancienne Chine, nous trouvons des vendeurs de glaces sous des parasols Macdonald et Pepsi.
Sous le regard inquisiteur de deux grands lions, nous traversons ensuite une place dont les quatre angles sont occupés par des statues de guerriers à cheval, la lance à la main, figés dans des postures épiques, pour arriver enfin à une sorte de temple. On entre. «Qǐng jìn». On a pas le temps de s'arrêter, il faut se dépêcher d'entrer dans la salle car le spectacle va commencer.
C'est hallucinant ce que l'intérieur donne un effet de copie faite à la va-vite. Je ne m'attendais plus à grand chose du spectacle, mais là... Nous sommes plus d'une centaine dans la salle. Les lumières s'éteignent, et un moine vêtu de la fameuse tenue orange s'avance. Il jettera et rattrapera des boomerang. Un autre arrive, il déroule une sorte de sac en toile sur le sol, et après un moment de concentration, il se roule sur les tessons en verre posés au sol. Puis, c'est au tour d'une jeune fille de venir se tenir debout sur quatre ampoules allumées, puis sur quatre œufs, posés sur une planche, elle même posée sur les ampoules. Ensuite, un homme a cassé une brique avec sa main, après l'avoir faite tournée dans le public pour attester de sa dureté. Le même numéro a eu lieu avec des barres de métal. Un autre moine coupait une feuille de papier en deux à coup de fouet. Enfin, un dernier pliait deux lances avec sa gorge. Pour clore le tout, un moine (venu du temple de Shaolin nous dit la présentatrice) a tracé le caractère calligraphié pour "longévité". Durant cette pseudo cérémonie, il était accompagné à l'écran par un bouddha kitsch au possible, avec des rayons néons émanant de son corps, sur un fond clignotant de toutes les couleurs. La présentatrice nous précise que ce moine est très célèbre et qu'il va bientôt partir en "tournée mondiale", que nous avons de la chance car après il ne sera plus là. Xiao sourit à côté de moi, elle me souffle à l'oreille que lorsqu'elle a vu ce spectacle l'année dernière, il s'agissait du même moine, et la présentatrice leur avait dit la même chose. Le spectacle terminé, on nous fait sortir rangée après rangée. Dans le petit hall par lequel nous passons, les calligraphies des moines sont à vendre. Enfin, nous retournons au bus au pas de course, direction le restaurant.
Dans le bus, nous plaisantons sur ces trente minutes allouées pour chaque activité : peut-être que nous aurons aussi seulement trente minutes pour le restaurant ? La guide nous annonce alors « 十分钟! » (/Shí fēnzhōng !/ Dix minutes !) Ah bah d'accord, de mieux en mieux. On se regarde, incrédule, et on préfère en rire...
Arrivés au resto, ce sont des tables tournantes comme hier soir. Les plats sont déjà disposés quand nous entrons. Xiao nous indique que ce sont des tables de sept personnes. Tout est très bon. Dommage que l'on ait si peu de temps pour apprécier tout ça (bien que dans les faits nous ayons tout de même eu plus de dix minutes). Derrière nous, il y a une sorte de fête. Xiao nous explique que c'est une fête des camarades : toutes ces personnes étaient au même collège/lycée en 1978, et elles fêtaient leur 38e année de connaissance. Ils semblaient tous vider beaucoup de verre et parlaient/riaient de plus en plus fort au fur et à mesure que le repas avançait.
Nous avons ensuite été dans un "parc des rochers". C'était très joli, comme une sorte de labyrinthe de roche. Dans le bassin à l'entrée, il y avait encore des carpes, de toutes les couleurs (rouges, noires, blanches, et même dorées).
A la sortie du parc, il y avait une sorte d'exposition avec des fossiles et un squelette de dinosaure, qui ont l'air d'être assez courants dans ce type de roches. Nos trente minutes écoulées, retour au minibus et direction une sorte d'Etretat local cette fois !
Ils l'ont appelé 恐龙探海 (/Kǒnglóng tàn hǎi/ Le dinosaure sondant/visitant la mer). C'était plutôt sympa, et l'occasion aussi de se reposer un peu après une journée passée à courir de place en place. Les trente minutes passées, nous allons cette fois à la plage pour terminer la journée.
En arrivant, Evora s'exclame. Je me demande ce qu'elle a bien pu voir, et alors je comprends. La plage est noire de monde, et ça s'étend sur des kilomètres. Je n'avais encore jamais vu ça, même sur les photos que l'on peut voir des plages de la côte d'azur en pleine saison. Et finalement, le plus surprenant c'est qu'il y a très peu de gens dans l'eau : la plupart ont tous des bouées et ne s'éloignent presque pas du bord. Pourtant, la mer n'était vraiment pas froide du tout. Au bord de l'eau, il y avait un très léger vent qui rafraîchissait un peu la lourdeur de l'air ambiant. Je pense que c'est aussi une des raisons pour laquelle il y avait autant de gens.
On a décidé d'aller manger une glace. Petit soucis : on ne connait pas les parfums, et les images n'aident pas beaucoup à deviner de quoi il s'agit. On demande alors au vendeur laquelle est la meilleure, et il nous en indique une, qui se trouve être au même prix que les autres. Elle ne payait pas de mine, toute blanche, enroulée dans une sorte d'emballage en papier. Mais je confirme qu'elle était vraiment excellente, malgré le fait que je ne sache toujours pas à quoi elle était ! Elle avait une texture très particulière que je n'avais jamais goûté en France auparavant. A côté de la plage, il y avait des gens qui proposaient des tours en calèches. Les chevaux dormaient debout, l'air fatigués. Autre fait intéressant : si nous avons vu des hommes en caleçons de bain, nous n'avons pratiquement vu aucune femme en maillot de bain. Quand elles en avaient, et elles étaient rares, il s'agissait la plupart du temps d'un maillot une pièce. Au large, il y avait encore beaucoup de bateaux de pêche comme à Dawai. Après trente minutes à la plage, il fallait rentrer au minibus, et même rentrer pour de bon cette fois.
Le soir, nous avons acheté des raquettes de badminton à la supérette en face de l'université ! Sur le retour, on a croisé les filles de Lille. Après leur avoir exposé notre projet de faire une partie de badminton, elles sont allées acheter des raquettes elles aussi et nous avons été jouer toutes les six sur la route derrière les dortoirs et la cantine, avec Beyoncé en fond sonore et une bouteille de vin de blueberry. Plusieurs heures plus tard, le vent s'est levé franchement et nous avons dû arrêter, les volants partant dans tous les sens. Les éclairs se rapprochaient alors que nous rentrions, et il s'est finalement mis à tomber des trombes d'eau, comme lundi dernier.